J’ai une grande admiration pour les chiens couchés au milieu de la route. Aucune voiture ne les trouble, écolos beaucoup plus forts que les néo-babas cool des campagnes ! C’est à la bagnole de faire le détour. Ou d’écraser l’animal. Les militants bio se font ligoter sur les voies de chemin de fer pour empêcher le passage des déchets ou la percée du tunnel mais, quand le train fonce, ils décanillent écharpe mauve au vent, dredlocks en débandade… Les chiens couchés au milieu de la route, eux, ne bronchent pas, au maximum un bâillement avant de replonger tête entre les pattes…
J’en connais un, retraité des troupeaux, qui tourne le dos aux voitures, très politiquement incorrect, abstentionniste même. Qu’une camionnette d’alcoolique (le monde rural en est plein) déboule et lui frôle son pelage de vieille moquette, il s’en moque : c’est Gandhi réincarné en corniaud sacré… Chapeau. De là à ce que le meilleur ami de l’homme tende la papatte gauche si une roue lui broie la droite, il y a un monde. Non par soumission en tout cas, c’est un fantasme de bipède, encore moins par sacrifice comme un chien de feuilleton (Lassie est une salope vendue au capitalisme hollywoodien et Rintintin a certainement dénoncé deux ou trois chows-chows sous MacCarthy)… Je les vois insociables et sauvages. A côté, les loups sont des agneaux.
Les chiens couchés au milieu de la route ont choisi le bitume, à deux pas d’un talus bien moelleux, de la niche tout confort (« Fakir ! au pied ! »). Peut-être ont-ils atteint un détachement sublime où peu leur importe le danger, le danger qui n’existe pas : les poules, les hérissons paient à leur place. A moins qu’ils ne soient complètement idiots, purs inconscients. Encore mieux. Désormais, ces chiens-là seront mes seuls leaders charismatiques.
Le XXIe siècle sera animalier ou ne sera pas.