Résumé :
Tout est affaire de méthode. Même la course au néant. "Surtout la course au néant", rétorque le narrateur de Martin Page. Birman de souche, sorbonnard de maintien, faible mais obstiné, il a décidé de s’offrir en proie au rien, de s’annihiler avec rigueur. Et dans son cas, néant = sottise. il lui faudra donc "couvrir son cerveau du suaire de la stupidité". Mais d’où plonger pour ce grand bain de vide, d’où s’autopropulser au cœur de l’absence ? Première procédure envisagée : l’éthylisme. Il y a en effet dans l’alcool des potentialités à l’affaissement cérébral, des richesses en matière de dissolution mentale qu’il serait vain de nier et bête de négliger. L’ingurgitation méthodique de breuvages fatals est donc envisagée, ce sous l’œil d’un spécialiste. Las ! la mousse d’une simple bière n’a pas effleuré la lèvre de notre candidat à l’auto-dissolution que le voilà comateusement jeté à terre. Reste l’acte ultime, qui réclame une volonté de boxeur et une discipline de samouraï : la crétinisation. La tâche s’annonce complexe, l’effort énorme. Il lui faut, pour plier ses bagages mentaux, abolir sa bibliothèque, effacer sa mémoire, dissoudre son q. i. Il s’aide pour la chose d’une substance idoine censée le bêtifier sans faille. La chose prend tournure. Mais c’est sans compter avec de redoutables anges gardiens qui s’en viennent glisser sous son œil vide un choix de la correspondance de Flaubert. Patatras ! Un éclair d’intérêt se remet à brasiller dans cette prunelle promise à l’atonie. Son retour au monde des mammifères cérébrés se fera grâce à une espastroulante séance d’exorcisme. Est con qui peut. N’est pas crétin qui veut (vieux proverbe birman).
On en parle :
Plus qu’une satire sociale, on caresse à travers l’ouvrage de Martin Page, le roman philosophique.
À la croisée de la tendresse et de l’ironie, l’auteur offre un roman à l’humour intelligent, se rit de l’intellectualisme prétentieux et met en lumière les ombres d’une intelligence trop lourde car inadaptée à la société actuelle.
Une critique poétique envers la société de consommation, dans laquelle abrutissement et lobotomie sont autant de possibilités d’accès au bonheur.
Son chemin vers “ la normalité” se fera au fil des pages, hilarantes et touchantes, absurdes parfois, intelligentes toujours. Avec en toile de fond ce danger de sombrer finalement dans la médiocrité, sans en pouvoir sortir.
Au final, tel un conte, ce livre éveille et ne vous rendra sûrement pas stupide.
Chronique litéraire | wunderbach par E
Esprit scrutateur du monde en mouvement, Martin Page épluche les usages et conventions, démonte les clichés et paradoxes de l’époque. Le ton lui-même révèle de la tendresse, de la dérision et une délicieuse pointe d’ironie. Sous le roman tendrement philosophique se cache à peine un traité de savoir-mieux-vivre, porteur d’une hygiène abrasive mais combien rafraîchisante. On dirait un conte, ou comme un songe éveillé, avec une petite touche de Vian.
Éric de Bellefroid, La Libre Belgique, 31 janvier 2001.
Cette jolie satire de la société contemporaine, c’est du Paulo Coehlo à l’envers.
P. B., Le Nouvel Observateur.
De cette course au néant totalement absurde, Martin Page fait un roman d’une logique parfaite. Cette satire de notre monde qui se veut raisonnable est d’un écrivain qui maîtrise aussi bien son style que son humour en demi-teinte. Une réussite.
Pierre-Robert Leclercq, Le Monde des livres.
Antoine, le héros, souffre d’être trop lucide. Un livre fou mais fort.
Jacques André, Elle.
Irrésistible de drôleries, de vérités bien assénées, ce premier roman ravit aussi – surtout ! – par son écriture, fraîche et spirituelle. Tant d’intelligence dans le phrasé est un vrai bonheur.
Martine Laval, Télérama.
On dirait un conte, ou comme un songe éveillé, avec une petite touche de Vian.
E. B., La Libre Belgique.