Résumé :
Correspondance avec Raymond Guérin
Auteurs de quelques livres cultes dont deux ou trois chefs-d’œuvre, tels Le Tout sur le tout ou Les Poulpes, Henri Calet (1904-1956) et Raymond Guérin (1905-1955) font partie de ces écrivains méconnus de leur vivant, puis relégués dans l’oubli, qui furent redécouverts avec passion au début des années quatre-vingt. Écrivains réfractaires, sulfureux et farouches, mais aussi hommes de lettres, plus qu’on ne l’imagine… Leur correspondance, rassemblée par Christiane Martin du Gard en 1961, comporte près de 150 lettres et cartes postales dont la plupart sont aujourd’hui conservées à la bibliothèque Jacques-Doucet. De 1938 à 1955, il est d’abord question des premières œuvres de l’un (La Belle Lurette, Le Mérinos), du livre en cours de l’autre (Quand vient la fin) ; entre Paris et Bordeaux, dans l’ombre de Jean Paulhan, une amitié se forme, épistolaire ; puis tout s’accélère : ce sont d’abord la guerre d’Espagne, les événements de Munich, la drôle de guerre qui défilent… Guérin est fait prisonnier (il restera plus de trois ans en Allemagne), Calet aussi (il parviendra à s’évader). Vient le temps des libérations : Guérin retrouve sa compagne, Sonia ; Calet quitte son exil provincial et démissionne de l’usine dont il était devenu directeur. Dans le Paris effervescent de l’après-guerre, les deux hommes se rencontrent à nouveau : vernissage de Jean Dubuffet, déjeuner avec Albert Camus. Livres, articles, revues, conférences, projets… Calet publie Le Bouquet, Les Murs de Fresnes, Le Tout sur le tout ; Guérin fait paraître Quand vient la fin, L’Apprenti et Parmi tant d’autres feux… Amitié au beau fixe, collaborations diverses, grands livres. Qui dit mieux ? Mais cette période laisse bientôt place à une série de drames. Séparations, maladies, deuils. Guérin, profondément marqué par sa captivité, ne pourra surmonter l’échec des Poulpes, paru en 1953. Il tombe gravement malade l’été suivant et meurt le 12 septembre 1955, à Bordeaux. Calet, très malade lui aussi, meurt à Vence le 14 juillet 1956, d’une crise cardiaque. Leur belle correspondance est terminée.
On en parle :
L’apprenti sur le tout
Leur échange constitue une passionnante immersion dans le monde littéraire vue par deux auteurs Gallimard sous l’Occupation, et dans les années qui suivent la Libération : le rôle prépondérant de Paulhan, les problèmes de papier, de tirage, la multiplicité des revues, "la bande de flagorneurs" (Guérin) des Goncourt. Trop inclassables, nos deux auteurs passeront à côté des prix. Et c’est ce qui séduit Guérin quand il lit lLe Tout sur le tout : ce livre qui ne ressemble à rien (ni biographie, ni roman, ni document) est, pour lui, le "meilleur" de son ami. Auparavant, Calet lui avait écrit que L’Apprenti était un "grand livre", mais qu’il ne devait pas se faire d’illusion : "Livre noir, écrira-t-on, brutal, atroce, odieux, etc." Et d’ajouter : "J’ai, pour ma part, entendu bien des fois les mêmes propos." L’essentiel est ailleurs : "Il s’agit ici d’autre chose que de littérature, mais bien plutôt de cette lente et interminable – et douloureuse pour qui la pousse à bout – de cette exploration de l’homme." La force de ces auteurs si dissemblables sera d’avoir inventé des livres hors normes dont la forme informe leur ressemble.
Jean-Pierre THIBAUDAT, Libération, jeudi 09 juin 2005.
Ces échanges épistolaires sont passionnants, pleins de bon sens, d’humour et de vie. Quelle lecture agréable ! On passe en revue toute une période de l’Histoire mais aussi l’histoire de deux hommes, du monde littéraire sous l’Occupation et après la Libération.
Pascale Arguedas, Calou, l’ivre de lecture.