Résumé :
Mérindol, nom rêvé pour un village, ou pour un couteau de poche, l’un qu’on respire fleuri à souhait, l’autre, fidèle, à la main. En l’occurrence, notre Mérindol à nous, Pierre, né Gaston Didier, c’est un zigue de première, complice de Robert " Bob " Giraud, l’auteur du Vin des rues, l’Homère des rades, et Robert Doisneau, l’Orphée du Rolleiflex. Formé après-guerre, le trio triole à souhait quelques années puis s’explose, chacun prenant sa voie : Robert Doisneau devient Doisneau, Giraud reste Bob, se fondant dans son paysage intime, notant, zinc après zinc, les " choses bues " du Paris populaire. Pierre Mérindol, lui, nous apprend Philibert Humm dans sa goûteuse préface, après avoir bezotté pour le galeriste Pierre Loeb, rôdé à la Contrescarpe et poussé une dernière fois, sur scène, la grande Fréhel, s’exfiltre, gagnant Lyon où il se mue en localier au Progrès. De lui nous reste, paru en 1950 aux Éditions de Minuit, aujourd’hui réédité par Le Dilettante, Fausse route. L’histoire d’une paire de drôles, le conteur et son pote Édouard, qui se camionnent la France en tous sens. Ils héritent en cours de route de la Françoise, une drôlesse finaudement mélancolique qui devient leur part à deux, à la pause ou sur les cageots de légumes et finit par se mettre avec Édouard, ouvrant un bar de poche rue Mouffetard. Sortie de route prévisible, hélas, quand se joindra au trio le gars Jules, nigaud ardent et brouilleur de cartes. Sans pause pipi, ni arrêt buffet, au fil de ce road-book noirissime, les routiers de Mérindol taillent la route à la diable, bitume et toiles cirées, en tous sens, panneaux publicitaires succédant à de somptueuses apparitions de villes ou éclosions de campagnes. Le Ciel est aux violents, dit-on, l’enfer aux fous du volant, dont acte.
On en parle :
La route de Mérindol
On est en droit d’être suspicieux quand un éditeur prétend nous refaire le coup du chef-d’œuvre inconnu, mais cette fois, ça vaut le détour, c’est même gagné. " Fausse route ", de Pierre Mérindol(photo), ancienne grande plume du Progrès de Lyon, est paru en 1950 aux Editions de Minuit. Un vrai bijou. C’est l’histoire, entre deux pauses au comptoir, d’un camionneur qui livre des légumes du Midi : un coup, il récupère un joueur de cartes ; une autre fois, une fille facile, et en voiture Simone ! Grâce soit rendue à Philibert Humm d’avoir exhumé ce roman social, poétique, haut en couleur et en odeurs, qui sent si bon le monde d’avant
Franz-Olivier Giesbert, LE POINT, 14 avril 2016
Mérindol, dernier voyage
Le nom de Pierre Mérindol n’est plus guère connu, sauf peut-être par les abonnés du Progrès de Lyon qui se souviennent de ses reportages à la rubrique étrangère, dans les années 1970. Les amoureux d’histoire lyonnaise, aussi, possèdent dans leur bibliothèque ses deux livres-brûlots des années 1980, Lyon, le sang et l’argent et Lyon, le sang et l’encre…
Vétéran de la presse rhodanienne, Mérindol, mort en 2013, reste une référence pour bien des journalistes locaux, sans que ces derniers sachent forcément qu’il fut après la guerre une figure du Paris populaire, compagnon de route de Doisneau et Bob Giraud (le poète, auteur du Vin des rues et des Cris de Paris), inlassable arpenteur du quartier Mouffetard. Mérindol fit même en 1950 une carrière éclair d’écrivain avec Fausse route, bref roman paru aux éditions de Minuit, la future église du Nouveau roman, exhumé aujourd’hui par le Dilettante grâce aux bons soins de Philibert Humm, qui l’assortit d’une préface en style gouaille fort réussie.
Les héros sont un tandem de chauffeurs routiers qui convoient des caissettes de légumes entre la capitale et la Méditerranée via Montélimar, Valence, Lyon et une théorie de petits villages aux grands-rues étroites et aux coins " difficiles à prendre ", surtout la nuit. Les autoroutes à cette époque n’existent pas (le réseau se développera dix ans plus tard), la traversée du pays reste une épreuve pleine de dangers, et parfois un enfer. Pour se distraire, nos transporteurs prennent à bord une certaine Françoise, jolie môme " bien balancée " qui leur donne gentiment sa croupe dans la remorque. " Là-dedans, ça sentait le gas-oil, le sexe chaud et les tomates nouvelles ".
Polar social fataliste et dépouillé. L’un des routiers s’entiche d’elle au point de lui acheter un petit troquet à Paris, et même de lui faire un enfant. Hélas, l’apparition d’un troisième larron complique tout. L’histoire d’amour sort des clous, et le camion de sa trajectoire…
L’ambiance fifties et populo confère à Fausse route un côté pittoresque propre à séduire le lecteur d’aujourd’hui. Comment n’être pas charmé par le décor rétro, les restaurants de bords de route, les petits hôtels garnis et les panneaux kitsch aux entrées de villes, " apéritif à la gentiane, cognac Martell, Shell à 500 mètres, l’été à Evian " ? Ces couleurs sépia ne doivent cependant pas tromper : Fausse route reste un roman noir, très noir, voire carrément nihiliste. Les héros traînent avec eux une sorte de nausée existentielle, un dégoût de tout auquel ils échappent en fonçant sur les routes, dans une perpétuelle fuite en avant – " la sourde nostalgie du départ, la fébrile envie de la route comme chance de vivre ". Ils savent qu’au bout, la mort les attend. Polar social fataliste et dépouillé, Fausse route envoûte par sa prose dénuée d’argotismes, sobre, lancinante, où scintillent quelques phrases mémorables sur le travail, la mer, la mort et la vie d’homme, belles comme du poème en prose ou des paroles de chanson, à lire sur un petit air triste à l’accordéon.
Bernard Quiriny, L’OPINION, 30 mars 2016
Beau comme un camion
Un road-movie dans la France des années 1950, par Pierre Mérindol. A (re)découvrir.
Voici un petit roman " de routier " qui se lit en quatrième vitesse. Une sorte d’ovni paru une première fois en 1950 et fort opportunément exhumé par Le Dilettante. Son auteur, Pierre Mérindol (1926-2013), brocanteur et journaliste, fut un ami de Robert Doisneau. On pourrait d’ailleurs dire de cette Fausse Route qu’elle constitue une sorte de bande-son de l’univers du célèbre photographe. Avec ce road-movie, le lecteur se retrouve projeté dans la cabine d’un 10- tonnes Berliet en train de regarder défiler les platanes de la nationale 7 dans la nuit de la France de l’après-guerre. Au menu : aubes blafardes, rues éclairées au gaz, tournées de Cinzano, fêtes foraines qui dégénèrent. Et parfois, cadeau de la vie, une douce Françoise qui se laisse lutiner à l’arrière du camion. " La route sentait l’herbe mouillée, la fumée des rapides de nuit, l’eau végétalisée des bras morts du Rhône, la durite qui chauffe et, par bouffées aux traversées d’agglomération, le pain brûlé ", écrit mélancoliquement Mérindol, qui a l’élégance de ne jamais sombrer dans le style " titi parisien ". Ce Jules et Jim au volant d’un 10-tonnes a la grâce d’une plume emportée par le vent des années 1950.
Jérôme Dupuis, L’EXPRESS, 17/23 fév 2016
Atmosphère, atmosphère
Un retour dans le passé avec cette réédition du seul roman écrit par le journaliste lyonnais. Dans ce récit magique comme une fête foraine, Pierre Mérindol parle d’un temps où l’on mettait des jours et des nuits à faire MontélimarParis pour camionner des produits frais dans un Berliet-Diesel Six avec remorque. En 1950, il fallait s’arrêter souvent dans des rades distribuant des cafés arrosés à l’alcool à brûler. Le narrateur rencontra Edouard sur le pavé des Halles parisiennes. C’était Au chien qui fume et il perdit les deux premières tournées. Ça crée des liens. Depuis, ils font la route, partant pour Lyon chercher des poireaux, tombant en carafe à Vitry-le-François. Pierre Mérindol fut un ami de Robert Giraud, l’auteur du Vin des rues, et un pote du photographe Robert Doisneau, ce qui en dit suffisamment. Tous les trois ont écumé les bistrots de la capitale, le coude sur le zinc et la tête dans les étoiles. La prose de Pierre Mérindol est goûteuse mais resserrée. Cet homme n’écrivit qu’un seul roman, publié aux éditions de Minuit. Sa Fausse Route nous plonge dans un pays d’après-guerre où les filles se prénomment Marie-Suzon et Françoise, l’amoureuse rutilante qui revient sans cesse dans les conversations. Dans ces années en noir et blanc, les gars perdent à la belote avec nonchalance avant d’aller au bal de la Contrescarpe retrouver les filles de joie parfumées au patchouli. Fausse Route est un livre qui transpire joliment la nostalgie et le rouge qui tache. Ça fait un bien fou et vous serre le cœur. A noter la jolie préface de Philibert Humm.
Christine Ferniot, LIRE, février 2016
LES MÉDIAS EN PARLENT…
François Julien, VSD, 28 avril /4 mai 2016 – Un road-movie carburant au café-rhum refait surface. Une merveille !
Françoise Monnet, LE PROGRÈS, 6 mars 2016 – Grand reporter au Progrès, Pierre Mérindol, né Gaston Didier et décédé en 2013, avait également écrit un roman, un seul, Fausse route, sorti aux Editions de Minuit en 1950. Les éditions le Dilettante ont la bonne idée de republier ce road movie qui raconte l’épopée d’un routier et de son pote, qui partent de Paris pour rejoindre Lyon chargé de cageots de petits pois à livrer quai Saint-Antoine. Evidemment, ce n’est pas si simple et le trajet réserve son lot de bonnes et moins bonnes surprises, de rencontres miraculeuses, de soirées d’ivresse, et de chemins de traverse, d’où le titre. C’est noir, mené à ville allure et bien que très vintage, ça n’a pas pris une ride.
Ouverture du FIGARO LlTTÉRAIRE par Etienne de Montety, 3 mars 2016 – Une Phèdre de la rue Mouffetard (…) Fausse route est un voyage dans une époque d’avant les autoroutes, les GPS et les mouchards (…) Il y a dans ce roman un charme qui se dégage des descriptions d’une France engoutie par, par quoi d’ailleurs ? (…) Les héros de Fausse route portent bien mal ce qualificatif. Ce ne sont pas demi-dieux, mais des êtres de tous les jours parfois touchés par la grâce, surtout quand l’alcool, l’amour ou l’amitié s’en mêlent (…) Pierre Mérindol, un écrivain dont il faut se souvenir.
Un routier qui s’égare
C’est une histoire d’hommes, comme on disait alors en oubliant que ces hommes n’auraient rien été sans la présence d’une femme (ici Françoise aux "seins libres"). Une histoire d’aventuriers, forcément. Et puisque le grand aventurier dans les années 1940-1950, c’est le camionneur, le narrateur de ce roman enivrant l’est, tandis que son second, si second il y a, le dénommé Édouard, n’est là que pour lui donner la réplique. Car d’évidence la mécanique n’est pas son fort. Au mieux, il est le messager d’un improbable printemps. Dans ce rôle, on ne peut que penser à l’auteur avec "sa tête de joueur de saxo sans contrat et son allure de cow-boy de cinéma". On pense aussi à Gabin et à Montand. S’il avait vécu aux États-Unis, Mérindol aurait été engagé comme scénariste à Hollywood, buvant des coups avec Chandler et rêvant de surpasser son pote Fante. Eh bien non, il s’est retiré de la scène et a vécu loin des illusions littéraires. Reste ce roman, complètement renversant.
Gérard Guégan, SUD OUEST, 28 février 2016
Dix tonnes de misère
Le voyage n’est plus qu’une longue dérive qui s’achève par une sortie de route sans espoir de retour. La vie n’est qu’un accident auquel on ne peut échapper. Histoire sans enquête, sans policiers et presque sans crime, Fausse route est un beau spécimen de ce roman noir français douloureusement poétique qui sera bientôt détrôné par les polars de gangsters américains. Un genre littéraire aujourd’hui oublié qui montre que l’âme française, si elle est légère, sait aussi être grave et inconsolée face au fatum qui conduit nos vies.
Olivier Maulin, VALEURS ACTUELLES, 18/24 fev 2016
Une histoire de routiers, un drame passionnel, un portrait de la France profonde de l’après-guerre, un texte pour faire revivre Pierre Mérindol, auteur oublié qui côtoya Doisneau dans le Paris des années 50.
Denis Billamboz, BENZINEMAG, 17 février 2016
Fausse route de Pierre Mérindol : Un coup de poing à travers les lorgnons
Frédéric Chef, SALON LITTÉRAIRE, 14 février 2016
Un dernier pour la route
Il ne faut pas rater la réédition de Fausse route, l’unique roman de Pierre Mérindol.
Fausse route, roman en noir et blanc haut en couleurs, possède la force et l’amertume du Julien Duvivier de Voici le temps des assassins.
Christian Authier, L’OPINION INDÉPENDANTE DU SUD OUEST, 12 février 2016