Résumé :
Henri Calet, on le sait, n’est pas un touriste de tout repos. Baguenaudeur caustique, adepte d’un tourisme désenchanté et d’une flânerie sans illusions, il ne se laisse pas faire par son sujet, menant la vie dure à ses villégiatures. La Suisse dite sublime et l’Italie réputée éternelle l’ont appris à leurs dépens. Avec ses Huit quartiers (urbains) de roture, petite randonnée intime et érudite au cœur historique des XIXe et XXe arrondissements de Paris, pièces ternes du puzzle parisien, Calet nous emmène là où sont ses racines : Mon père y est né, mon grand-père y est mort. J’y ai vécu. Et je viens d’en faire le tour. J’ai respiré son air et son parfum ; ses couleurs sont les miennes. Avec lui, on s’égare dans des rues infortunées, on pousse, à la recherche d’un vieux cimetière juif, des portes sans lendemain, on fouille la mémoire mortuaire des façades, on monte et on descend l’échelle du temps pour décrocher les souvenirs, les présences et les faits pendus au gibet de l’histoire : Non, rien ne porte à la joie ni au lyrisme. L’Histoire, elle-même, ne parle que de défaites, de saccages, de capitulations. Tel un enfant gâté de la catastrophe, Calet compte les vivants, hume le souvenir des morts, se retrouve et nous perd au cœur des quartiers de la Villette, du Père-Lachaise, de Ménilmontant et de Charonne pour un jeu de piste sans trésor et un pèlerinage aux sources de sa mémoire parisienne : Ville à part (…) sans Seine ni rivière, que les étrangers ne vont pas voir, où il n’y a rien à voir, ville sans palais ni cathédrales, sans monuments et presque sans souvenirs, ville sans parure, ville usinière, populacière, où l’on peut tout juste exister, dans le sens de ne pas mourir. Ces Huit quartiers de roture sont restés inédits. Objet d’une version radiophonique, Le Dilettante en propose des extraits dans un CD, l’occasion d’entendre notre cher Henri Calet, le tout savamment édité et présenté par Jean-Pierre Baril.
On en parle :
Le flâneur mélancolique
Tous les livres d’Henri Calet sont des trésors. Or, de ces"Huit Quartiers de roture"et ses phrases simples comme des complaintes, les éditeurs d’alors n’ont pas voulu. Ils sont idiots. Car l’auteur de"la Belle Lurette "y est très ressemblant. Il ajoute ici l’érudition à la nonchalance, la curiosité au désabusement, un émerveillement enfantin devant la modernité (un escalier roulant qui mène au métro) à la recherche de son temps perdu. Faute de publier cette promenade de son vivant, Henri Calet en a tiré une série radiophonique qu’il a lue de sa belle voix, en 1952, sur le Programme parisien. Merveille, leCD est joint au livre: décidément professionnel, Le Dilettante fait bien les choses.
Jérôme Garcin, L’OBS, 23 juillet 2015
Henri Calet a procédé de manière scientifique totalement farfelue et érudite. Calet marche beaucoup mais ne laisse rien au hasard. Il organise ses déplacements de manière à desssiner une cartographie en cercles concentriques subjectifs en fonction de l’intérêt historique ou architectural. C’est truffé d’anecdotes truculentes, surprenantes,d’allers-retours intempestifs entre des instantanés révolutionjaires, des personnages de barricade, des parquets de bal scrupuleusement répertoriés où les prolos venaient guincher du côté de Ménilmuche ou de Belleville. Calet est un colporteur d’hsitoires urbaines dans lesquelles gravitent des personnages étranges et familiers."J’aime ces faubourgs pauvres où il n’y a rien à voir. On s’enfonce dans une agréable mélancolie, au risque d’y perdre pied, insensiblement."On le suit les yeux fermés, on aime ce Paris libertaire et libertin, joyeux et désordonné, sale et malodorant.
Marie-José Sirach, L’HUMANITÉ, 28 juillet 2016
Henri Calet, le piéton de Paris
Doux-amer- L’écrivain nous offre une visite nostalgique des quartiers de l’est de la capitale et nous fait côtoyer leurs habitants avec la tendresse et le respect de celui qui fut élevé à Belleville.
Henri Calet (1904-1956) est un des auteurs les plus chers à notre coeur. Sans doute à cause de sa fragilité et de sa manière de ne jamais hausser le ton malgré, parfois, une colère rentrée. C’est qu’il y a une nostalgie propre à Calet résumée dans la dernière phrase d’un de ses textes posthumes, Peau d’ours, brouillon émouvant d’un roman qui ne vit jamais le jour :"Ne me secouez pas, je suis plein de larmes."Il faut dire que Calet fut sacrément secoué par la vie. Une enfance à Belleville entre un père anarchiste qui jouait les filles de l’air et une mère qui l’éleva seule, une adolescence en Belgique occupée lors de la Première Guerre mondiale, des petits boulots dans le Paris des années 1920 avant de devenir un héros de Simenon: comptable dans une entreprise d’électricité, il vola dans la caisse et s’enfuit en Amérique latine, au Portugal, en Allemagne et revint vivre à Paris en clandestin. La cavale ne vous forge pas forcément le caractère et Calet n’a jamais prétendu au statut d’aventurier. Quand il put bénéficier de la prescription, il devint un auteur de la NRF où Jean Paulhan accueillit avec enthousiasme son premier roman, la Belle Lurette, en 1935. Tout cela est raconté dans un des livres majeurs et méconnus du XXe siècle, Monsieur Paul. L’air de rien, Calet y invente ce qu’on appelle aujourd’hui l’autofiction, mais une autofiction pudique : si les choses de la vie sont dites dans toute leur crudité, il n’y a jamais ce désir d’épater ou d’offenser le bourgeois en surexposant ce"misérable petit tas de secrets ", selon le mot de Malraux, dont trop d’écrivains aujourd’hui font la sauce de leurs plats peu ragoûtants. Il faudrait aussi parler du Calet soldat de 1940, qui raconta sa débâcle dans le Bouquet ou du Calet journaliste qui assista parmi les premiers au retour des déportés au Lutetia dans Contre l’oubli.Tout cela n’a pas empêché la postérité de ne pas être bonne fille avec lui. Heureusement, des éditeurs comme Le Dilettante continuent à publier régulièrement des inédits, introductions à une œuvre qui trace cette figure très contemporaine de l’homme seul, du personnage sans importance, qui ne demandait rien sinon le plaisir simple de se promener tranquillement dans les rues de Paris et de se reposer à la terrasse d’un café des grands boulevards. Huit quartiers de roture appartient à cette veine du Calet piéton de Paris. À l’origine, ces textes sont des articles épars qui évoquent les XIXe et XXe arrondissements de la capitale, de la Villette au Père-Lachaise en passant par Belleville, Pont-de-Flandre et Charonne. En 1952, Calet en fera une série d’émissions pour la radio que l’on trouvera ici sous forme d’un CD où l’on peut, poignant privilège, entendre sa voix. Il y a de la dérive psychogéographique à la Debord dans l’errance de Calet, qui joue avec les époques, les atmosphères, le hasard des rencontres. Il s’intéresse autant aux visages qu’aux vestiges, aux silhouettes fugitives des contemporains qui croisent les fantômes de la Commune qu’aux ciels des faubourgs où il lit la banalité douce-amère de lieux qui n’ont rien pour plaire et qui, justement nous plaisent à cause de cela :"Ville à part, un vingtième de Paris, ville sans Seine ni rivière, où il n’y a rien à voir, ville sans palais ni cathédrales, sans monuments et presque sans souvenirs, ville sans parure, ville usinière, populacière, où l’on peut tout juste exister, dans le sens de ne pas mourir."
Jérôme Leroy, VALEURS ACTUELLES, 11 juin 2015
Les médias en parlent…
Antoine Perraud, LA CROIX, 8 Juillet 2015
Bernard Quiriny ,L’OPINION, 7 juillet 2015
Marie-Paule Caire, PARUTIONS.COM, 10 juin 2015
François Angelier, FRANCE CULTURE, 8 juin 2015
Norbert Czarny, RAYON DE CULTURE, 13 mai 2015
Gilles Heuré, TÉLÉRAMA, 12 mai 2015
Frédéric chef, LE SALON LITTÉRAIRE, 8 mai 2015
Etienne de Montety, FRANCE CULTURE, émission" La dispute ", 8 mai 2015 – pour écouter, cilquez ICI (curseur: 32.10)