Résumé :
Nous avions donc laissé Jean-Claude Lalumière en proie aux entrelacs et aléas de la bureaucratie diplomatique sur Le Front russe qui, comme chacun le sait, campe dans le XIIIe arrondissement de Paris. Avec La Campagne de France, retour aux terroirs gaulois et à un théâtre des opérations subi dans les affres par Alexandre et Otto, deux militants ardents de la " Drôle de guerre " culturelle, apôtres souffrant du culturalisme, itinérants, bref, patrons de Cultibus. Ou comment, forts d’un bus d’occasion marchant au colza, imbiber de culture une escouade de douze Luziens activement retraités (le retraité actif étant au voyagiste culturel ce que le baigneur est à la méduse : une manne !).
Mais là les deux fantassins de l’escale lettrée (de Mauriac à Dany Boon, avec crochet par Oradour et pause en Limousin giralducien) se doivent de composer avec un panel redoutable : germanophobie ancien-combattante, surdité, pédantisme automobile, virevolte amoureuse, lubie de dernière heure qui impose un détour par une usine de bonbons et une descente au Musée de la pomme tapée, piquet de grève laitier, etc.
Et il faudra bien la " Mustaphette " de Josy la Frite et son accorte tablée pour redoper le moral en berne de la troupe débandée. Les voyagistes culturels seraient-ils, à l’image des pères de famille, les ultimes aventuriers du monde moderne ? La réponse avec cette symphonie pathétique pour douze retraités, un bus et quelques illusions perdues.
On en parle :
La France sur une aire de repos
Quelle équipée, et quelle épopée ! Hilarantes et romanesques, à défaut d’être probables. Est ce une volonté humaniste ou opportumste qui motive chacun des participants à cette rocambolesque aventure ? Toujours est-il que les quelques jours qui les réuniront grâce à l’imagination fertile de Jean-Claude Lalumière ne seront pas piqués des hannetons, ainsi que l’aurait pu dire l’un des personnages. Frôlant la faillite – qu’ils ne feront peut-être que retarder – et désespérant de trouver des clients, les deux dirigeants d’une petite entreprise de voyages culturels béarnaise décident de revoir leur cahier des charges. Les châteaux, la littérature et l’Histoire dont le Français Alexandre et l’Allemand Otto sont passionnés ne font pas recette ? Soit, ils donneront au public ce qu’il attend du spectacle, du bas de gamme surfant sur l’air du temps. Mais ils ne comptent pas céder totalement au nivellement contemporain, qu’ils déplorent tout ensemble avec la disparition de la classe ouvrière, l’isolement des individus et le désintérêt pour le patrimoine français.
Pour atteindre Bergues et les lieux de tournage du film Bienvenue chez les Ch’tis, leurs touristes devront notamment passer par la maison de François Mauriac à Malagar ou par Oradour-sur-Glane. C’était parier sur l’improbable docilité des douze retraités qui embarquent un beau matin dans le "Cultibus", ce car de tourisme carburant au colza. La sédition vient vite, qui les emmènera s’échouer sur une aire de repos où les Robinson seront bien forcés de signer l’armistice, nourris par les seules saucisses-frites du camion de Jozy. Pas grand-chose de militaire, dans ce roman amusant – le deuxième de l’auteur -, sinon les souvenirs envahissants et biaises d’un ancien combattant. Pourtant, malgré son hétérogénéité, le groupe se trouvera bientôt plus soudé pour defendre, sinon un territoire, du moins une certaine authenticité de ceux-ci.
Cette campagne de France dans les campagnes de France est une farce jouant sur le langage et les réparties avec un sens de la provocation où des esprits mal tournés pourraient voir un esprit un brin réactionnaire, quand il s’agit probablement d’installer en tous lieux poil à gratter et dynamite. René Chateaubriand y converse sur un pliant, des nains de jardins envahissent Oradour, et on y inculque Rabelais à un vendeur de sandwichs industriels…Cette comédie verra s’adoucir les plus réticents au dialogue, dans les familles comme sur des terrains plus politiques, ou encore se dissiper les malentendus qui empêchaient Otto et Alexandre d’accéder à une véritable amitié.
Sabine Audrerie, La Croix, 10 janvier 2013
La France en autocar
Connaissez-vous Cultibus ? Créée par deux passionnés d’histoire et de littérature – Alexandre et Otto -, cette agence propose des voyages culturels de haut niveau en autocar à travers l’Europe. Malheureusement, les affaires ne sont pas florissantes, et nos deux idéalistes se voient contraints d’opter pour des odyssées, disons, plus "grand public"… Ils proposent ainsi une traversée de l’Hexagone, sur le thème des relations franco-allemandes, partant de la demeure de François Mauriac à Malagar et passant par le village d’Oradour-sur-Glane, puis par la Sologne d’Alain-Fournier. Sans oublier le terminus : Bergues – même si la cité de Bienvenue chez les Ch’tis n’est pas loin du horssujet… Une poignée de retraités tente l’aventure, alors qu’Alexandre et Otto ne sont pas au bout de la leur.
Certains de leurs clients ne pensent guère qu’à manger et dormir, d’autres sont atteints d’Alzheimer ou de surdité – et ne parlons pas de ceux qui ont besoin d’aller tout le temps aux toilettes… Ajoutez à cela une nuit improbable dans un hôtel bon marché, une grève des producteurs de lait, les problèmes techniques du bus au colza, les pérégrinations de deux randonneuses et d’un sériai killer de lapins, et vous aurez une idée de La Campagne de France, second roman loufoque de Jean-Claude Lalumière.
Baptiste Liger, L’Express, 9/15 janv 2013
Pour écouter Sébastien Le Fol sur" France Culture "dans" Tout feu, tout flamme" , le mardi 8 janvier 2013
Le premier éclat de rire de 2013
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