La Dame du Job

Redécouvertes

ISBN: 9782842638825

Genre: Roman

Date de parution: 04/11/2016

Nombre de pages: 192

Couverture : calendrier 1902

Prix: 17€

La Dame du Job

Redécouvertes

La Dame du Job, près de qui un homme va mourir, annonce déjà la Négresse des Fruits du Congo, reine de papier elle aussi, son visage bouleversant restera mêlé pour toujours à ce qui est le vrai sujet du roman : la découverte du monde par deux enfants.

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Résumé :

La Dame du Job fournit la clé du projet romanesque inauguré en 1942 par Le Fidèle Berger, poursuivi avec La Maison du joueur de flûte puis Les Fruits du Congo. "C’est une dame, écrivait Alexandre Vialatte à Jean Paulhan, qui fume la cigarette sur un calendrier du Job dans une auberge sur le plateau du champ de tir, près d’une petite ville de garnison." Son image fascine deux enfants, le narrateur et Frédéric Lamourette, fils du chef de musique. Ils vont bâtir, autour de l’auberge et du champ de tir, un univers fantastique dont elle sera l’énigmatique souveraine.

Un texte qui nous balade à son gré – et sans jamais vous tirer par la manche –, du naïf ciselé au fantastique des vertiges, du charme à l’angoisse, de la douceur d’un souvenir au frôlement de la mort.
Pierre Lepape, Le Monde des livres

Ses héros ne sont pas tout à fait de ce monde. Épris de vertige, hantés de nostalgie, ils cheminent en équilibre à l’extrême bord de la réalité. Et parfois, ils tombent, ou parfois, ils s’envolent.

Gabrielle Rolin, Le Matin

 

Extrait: 

Nous inventions de nouveaux supplices pour rendre notre culte à la Dame du Job. […] Il fallait se déchausser et traverser pieds nus le zinc brûlant de la terrasse comme ces dindons que les forains font danser sur une tôle chauffée. La Dame du Job était déesse et nous étions ses fi dèles, ses prêtres, ses martyrs éblouis.

On en parle :

Vialatte et les reines de papier
LE POPULAIRE DU CENTRE, 20 janvier 2017

Deux enfants, plongés dans les absurdités de la guerre, transforment leur univers quotidien en un monde fantastique et surprenant, dont La Dame du Job sera l’énigmatique souveraine.

La plupart des romans d’Alexandre Vialatte sont des romans d’apprentissage. De jeunes garçons et quelques filles à la limite de l’enfance et de l’adolescence essaient de comprendre le monde qui les entoure, de déchiffrer les secrets des adultes. Souvent leurs questions restent sans réponses. Ils peuplent l’univers d’êtres mystérieux, de jeunes filles fascinantes et d’êtres maléfiques. Ils rêvent d’un avenir merveilleux ou héroïque et parfois leur destin est tragique. Souvent ces romans, notamment La Dame du Job incluent une énigme à déchiffrer et un drame comme dans un roman policier. Les personnages, enfants, adolescents et parfois adultes veulent déchiffrer un secret, trouver un passage entre deux mondes, celui des adultes et celui des enfants. Ils croient qu’il y a une vérité derrière les apparences.

 

Le récit comporte deux parties : L’école du vertige et Le champ de tir.

 

Les lieux : une ville de garnison au pied d’une colline au sommet de laquelle un plateau est surmonté par l’auberge du Champ de tir, en bas de la ville un pré où campent les bohémiens et une ligne de chemin de fer qui traverse la ville. Le milieu social est composé de militaires avec leurs femmes, légitimes ou non, et leurs enfants.

 

Les personnages : trois enfants, Fred Lamourette, fils du chef de musique du régiment, le narrateur et un de leurs camarades, Robert, dont le grand-père est le propriétaire de l’auberge du Champ de tir, lieu mythique, support des fantasmes des enfants. Des adultes : Monsieur et Madame Lamourette, les parents de Fred, le commandant Percier et sa maitresse, la belle Éliane, le lieutenant de Briffoul et l’ordonnance du commandant, une sorte de géant "qui avait l’air d’un bœuf de labour, le front bas et les cheveux drus comme ces poils qui se rebiffent au front des vaches", taciturne et peu aimable, prénommé Ange et qui se révélera être au centre d’un drame.

 

Fred et son ami ne cessent d’imaginer des aventures, des voyages ; leurs fantasmes vont de l’auberge à l’express qui traverse la ville accompagné d’un bruit assourdissant qui les entraîne depuis les villes de la région jusqu’en Chine. Le narrateur évoque ainsi ses souvenirs.

 

On retrouve ici, comme dans Les Fruits du Congo, l’admiration – presque la fascination – pour les affiches qui a souvent suscité la création d’Alexandre Vialatte.

La révélation que la dame est une dame en papier n’empêche pas les enfants de continuer à fantasmer : " peut-être finirions-nous par faire apparaitre un beau jour la Dame du Job à la fenêtre de l’auberge ainsi que la dame des légendes finit par regarder le jongleur ". Telle était la règle du jeu.

Les deux enfants, Frédéric et le narrateur, peuvent être considérés comme représentant deux aspects, deux parties psychiques de l’auteur.

 

L’habileté avec laquelle l’intrigue dramatique est menée incite à penser que Vialatte avait un don qu’il aurait pu exploiter dans des romans policiers, de menus indices se succèdent qui attirent l’attention d’un lecteur attentif et déclenchent en nous l’intuition d’un danger.

Un drame va se nouer, annoncé par quelques événements dont les enfants sont témoins.

 

La deuxième partie du livre nous transporte des années plus tard. C’est la guerre, la vraie cette fois ; Frédéric Lamourette est sergent à la tête d’une escouade. Dans une petite ville, près d’une gare il y a une escarmouche avec les Allemands, des balles sifflent, un des hommes tombe.

D’autres hommes tombent morts, Lamourette est blessé, il marche encore mais il est perdu. Dans son errance il pense être dans la ville de son enfance, dans des villes d’Orient, à Orkozoum dont il avait tant rêvé avec son camarade. Il revit ses souvenirs, l’école, ses voyages, les œuvres qu’il a réalisées, car il est devenu dessinateur comme il l’avait souhaité.

Il voit La Dame du Job se pencher sur les mourants, il comprend qu’elle est la Mort. Épuisé, il tombe endormi. Il rêve, les fantasmes de son enfance viennent l’assaillir.

 

 

Trois thèmes dans lesquels excelle Alexandre Vialatte sont au cœur de La Dame du Job : l’adolescence, le secret et le délire.

C’est dire que son domaine privilégié est celui de l’imaginaire. Le thème du secret est le fil rouge qui parcourt les romans d’Alexandre Vialatte depuis Le Fidèle Berger jusqu’à La Dame du Job. Dans cette dernière œuvre, l’auteur, avec une grande virtuosité, laisse au lecteur, comme aux personnages enfantins, le souci de deviner les secrets des adultes. Les fantasmes organisateurs des textes nous entraînent vers les mirages qui fascinent enfants et adolescents et dont le romancier garde et nous fait partager la nostalgie, sans doute parce qu’il écrit romans et récits avec le style d’un poète.

En effet, comme il l’a dit lui-même : L’important n’est pas ce qui se passe, mais la façon dont ce qui se passe s’imprime en nous.

 

 (Texte essentiellement extrait d’un article d’Anne Clancier)