Résumé :
La plupart des poèmes que propose La Paix des jardins ont été écrits à deux époques : les années 1920 puis les années 1950. Dans la première (Alexandre Vialatte a une vingtaine d’années), ce sont des sortes de romances, où la mélancolie se marie au cocasse et engendre une tonalité particulière, manifestant des parentés avec celles de Toulet, Levet, Laforgue ou Kipling, et où apparaît déjà tout le bric-à-brac imaginaire propre à l’auteur. Les poèmes de la fin (dont celui qui donne le titre au recueil) sont souvent plus graves, et peut-être plus beaux.
Les poèmes d’Alexandre Vialatte ont été retrouvés à l’état de manuscrit ou de tapuscrit. La plupart étaient datés ; la date de ceux qui ne l’étaient pas peut plus ou moins précisément se déduire des chemises où Vialatte les avait rangés. L’Association des amis d’Alexandre Vialatte les a rassemblés dans le Cahier 14, en 1987, sous le titre Sur la route de Mandalay. Une sélection, classée en trois parties, a paru pour la première fois sous le titre La Paix des jardins en 1990 aux éditions La Différence, puis en 2000, dans une version augmentée, aux éditions Les Belles Lettres.
On en parle :
PRESSE NATIONALE
Consignés au début des années 1920 dans les cahiers d’écolier qu’Alexandre Vialatte (1901-1971) utilisait alors, les poèmes du journaliste et traducteur ont été retrouvés par ses proches, à l’état de manuscrit ou de tapuscrit. Dans ceux publiés ici par Le Dilettante, Vialatte y apparaît comme un tout jeune poète, alignant les vers pour y dire des histoires d’écoliers, des rêves de jeunesse ou des émois adolescents avec pudeur. Parfois s’insèrent quelques lignes badines, comme celles contant l’histoire de ce poète / Qui s’embête / Cherche les occupations / La devise, la toilette, / La couleur de la saison. Le charme de ces poèmes, un peu surannés, va de pair avec une mélancolie certaine. À la toute fin du recueil, quelques textes, écrits dans les années 1950, laissent à voir des poèmes plus graves, ceux d’un homme marqué par les procès qu’il couvre en tant que chroniqueur judiciaire.
Loup Besmond de Senneville, La Croix L’Hebdo, 22 novembre 2019
Cela n’étonnera personne, on y trouve de la poésie, mais alors une poésie simple, et qui n’ose jamais se prendre au sérieux : Parfois, à la clarté des lampes électriques, / Les enfants appliqués à l’étude du soir / Ornent avec amour de bleus géographiques / Les lointains océans du cahier de devoirs. Mais comme souvent chez Vialatte, son œuvre étant à ce titre un véritable cabinet de curiosités, on y trouve de tout : des hippocampes rachitiques, un collège où l’on distribue des prix bleus, un corsaire négrier ayant dévoré un crocodile, le cocotier de Cayenne qu’on nomme Tourlouri, un petit catoblépas des mers polynésiennes, des figures de style que l’on n’a jamais vues ailleurs sinon peut-être chez Rabelais (paronomasyes), des titres qui font écho à ceux des chroniques (Complainte des cœurs bleu pâle), et même l’ami Pourrat, qui apparaît furtivement à la fin d’un vers… Les lecteurs fidèles y retrouveront facilement Vialatte (il y a dans ce recueil une fraîcheur et un goût marqué pour l’exotisme qui sont comme sa signature).
Didier Garcia, Le Matricule des Anges, Novembre/Décembre 2019
Lundi poésie : aujourd’hui, retour dans le jardin de Vialatte
Précurseur de Desproges pour les desprogiens, traducteur de Kafka pour les kafkaïens, nietzschéen pour les nietzschéens, romancier et nouvelliste pour les autres, Alexandre Vialatte (1901-1971) a − figurez-vous − aussi composé des poèmes. Ils sont restés inédits de son vivant, comme la plupart d’ailleurs de son œuvre littéraire. L’association des amis d’Alexandre Vialatte les a rassemblés pour la première fois en 1987. L’ensemble est repris trois ans plus tard avec le titre sous lequel il est réédité aujourd’hui, la Paix des jardins.
La plupart datent de la première période de Vialatte, celle des années 20, où il transcrit des choses vues, promeneur de Paris un rien désabusé. La deuxième partie du recueil, datée des années 50, est beaucoup plus courte, et adopte plutôt le ton d’une complainte. On y trouve la «Chanson de Fred», un chef-d’œuvre de déclaration d’amour. Renseignements pris, le Fred en question serait le héros des Fruits du Congo, le roman de Vialatte publié en 1951. En 1970, Jacqueline Gauthier en interprète une version (légèrement différente du texte imprimé), sous le titre de «Litanie pour Dora». Le tout sous le regard de Vialatte lui-même qui fait mine de veiller sévèrement à ce que son texte soit bien chanté.
Guillaume Lecaplain, Libération, 18 novembre 2019
La montagne magique de Vialatte : La Paix des jardins sublime sa poésie
Le chroniqueur-performer de La Montagne, plus de 900 billets fulgurants à son compteur, n’était pas l’un de ces banals raconteurs d’histoires. Il nous imposait sa vision poétique et désarticulée d’un monde en mouvement. Sa plume moulinait les faits les plus anodins pour en extraire une sorte de jus, gourmand et relevé à la fois. Nous étions fascinés par son tour de main. Il arrivait toujours à modifier notre perception des événements, à tordre les évidences, à propulser son lecteur dans une galaxie lointaine. C’était un aventurier de l’écrit camouflé sous l’aspect débonnaire et discret d’un auteur régional. (…)
Remercions donc Le Dilettante, maison de qualité, d’œuvrer depuis si longtemps à la propagation des textes de Vialatte. Jamais, on ne parlera assez de lui. Cette fois-ci, il s’agit des poèmes réunis dans un recueil La Paix des Jardins et couvrant deux périodes, les années 1920 et 1950. Les spécialistes et notamment L’Association des amis d’Alexandre Vialatte avaient connaissance de ces poèmes retrouvés à l’état de manuscrit ou tapuscrits. La plupart datés et les avaient déjà diffusés à leurs cercles d’initiés. Quel plaisir de retrouver notre Alexandre, le bienheureux dans un florilège accessible au grand public. Dans un habile avant-propos, Georges Allary donne quelques clés de compréhension : Dans ses poèmes de jeunesse, plus encore que dans son œuvre ultérieure, il se méfiait de l’effusion. Dès que l’émotion venait, il en repoussait la tentation en appelant l’humour à la rescousse. L’effet sur le lecteur sensible n’en est que plus grand.
Ses premiers poèmes de 1920 à 1923 nous embarquent dans un ailleurs fantasmé. On y décèle l’inspiration exotique de Henry J.-M Levet, le mirage des traversées maritimes, des militaires expatriés, de tous ces voyages initiatiques. Une musicalité intime et cosmique se dégage dans ces travaux de jeune écrivain : Mes souvenirs sont de petits phoques acrobates ; L’ombre du colonial cuit comme un poisson bleu ; Dans les gares du P.L.M/ Nous irons, ô mon âme, / Chercher sur les belles réclames/ La couleur des Sachems. Plus tard, dans les années 50, il y a en effet comme le souligne l’éditeur, une charge plus écorchée et mélancolique sans se départir d’un humour non trafiqué : Un petit faune en terre cuite / Dans un rayon doré, /Reste seul témoin de la fuite/D’un monde évaporé. Vialatte ne s’explique pas, il se vit. Ferny Besson dans sa biographie intitulée Alexandre Vialatte ou la complainte d’un enfant frivole parue en 1981 s’interrogeait sur les racines de cet humour si particulier qui ne répond ni à une mode ni à une recette, se cultive mais ne s’apprend pas. On ne le comprend, on ne le sent que spontanément. Il est la marque d’une certaine famille d’esprit. Il est donc temps pour ceux qui n’ont jamais lu Vialatte de se lancer à l’attaque de cette montagne magique et d’en humer les hauteurs célestes.
Thomas Morales, Causeur, 12 novembre 2019
PRESSE ÉTRANGÈRE
Alexandre Vialatte (1901-1971) craignait d’être seulement versificateur alors qu’il rêvait d’être poète. Voici un livre pour corriger un avis dû à sa modestie. La fantaisie s’installe, l’exotisme est détourné avec gaillardise, l’humour se glisse jusque dans l’orthographe. Tous les terrains de jeu sont occupés jusqu’au sommet de Crime d’aéronaute (sic) où un pervers entasse des cadavres de mouches avant d’aller trop loin.
Pierre Maury, Le Soir, 9, 10 & 11 novembre 2019