Résumé :
Ne pas s’y fier, surtout ! Sous son aspect discret d’auteur provincial, marié et père de famille, son apparence lisse de libraire bordelais spécialisé dans les ouvrages de droit, le romancier Jean Forton (1930-1982) tire un plaisir patient, une joie sourde, à nous mener dans des zones d’enlisement, à nous perdre au cœur d’espaces de souffrances rentrées, acide rongeur qui affleure dans certains titres de ces huit romans qu’il publia chez Gallimard entre 1954 et 1966. Quelque chose d’acéré et de morbide mine et lacère le monde de Forton, un mal que l’on retrouve dans ce roman inédit que publie le Dilettante : La vraie vie est ailleurs. La maxime rimbaldienne prend là des allures de credo cynique, d’espoir trahi. Ailleurs, certes, mais où ? Ailleurs qu’autour de la table familiale où soupent à heure fixe les Lajus, dont le fils, Augustin, est le héros narrateur ; ailleurs que chez les Juredieu, dont le fils aîné, grand drille bringueur et culbuteur de filles, est l’ami d’Augustin, mauvais ange et corsaire en chambre ; ailleurs que chez Bérenger et Cléo, oncle et tante d’Augustin, masques d’un carnaval sinistre, ailleurs que dans les bistrots banals où les deux adolescents racolent et picolent, ailleurs que dans les cinémas mués en baisoirs furtifs, ailleurs que dans les chambrettes d’occasion où se font les initiations amoureuses. Ailleurs que dans cette ville placide que secoue soudain la pétarade en chaîne de bombes artisanales. Sans doute un peu dans cet ancien wagon transformé en utopie garçonnière et dénommé Le Nautilus. Une vraie vie possible, un temps, dans la chambre de Vinca, l’amour-phare d’Augustin. Voici donc La vraie vie est ailleurs, roman d’apprentissage provincial et jeu de massacre sans concession où le désir de révolte s’écrase contre le quotidien, la pesanteur d’être comme moucheron sur la vitre. Alors," Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! "(René Char)
On en parle :
Nicolas Ungemuth, Le Figaro Magazine, 30 novembre 2012
Jean-Claude Raspiengeas, La Croix, 19 décembre 2012
L’inédit "La vraie vie est ailleurs" , roman d’apprentissage et roman d’une ville, a le goût inimitable des meilleurs textes de l’auteur bordelais…
La vraie vie est ailleurs peut se lire comme un roman d’apprentissage. Un lycéen sage, Augustin Lajus, est entraîné à se dévergonder par un copain effronté, Juredieu, tandis qu’une belle danseuse, Vinca, fait rêver l’adolescent, et qu’autour de ses parents lunaires gravitent de drôles de vieux fous. Entre ces pôles, Augustin navigue sans but, dérive, s’accroche, panique… On peut aussi lire ce roman comme celui d’une ville, tant Forton est avant tout un écrivain des rues et du port. Jamais nommé, Bordeaux, de l’après-guerre aux années 1960, est en un sens l’image exacte de son oeuvre. Ses façades n’ont pas encore été récurées, elles sont toujours noires de fumées, rongées par l’air salin et autres acides. Il y a des odeurs aussi, de papeteries et de morues qui sèchent. Forton, selon la belle catégorisation de l’écrivain Pierre Veilletet, est de ces auteurs qui écrivent en noir et blanc. Il excelle à mettre au jour les zones grises de l’âme et les médiocrités troubles de destins embrumés.
Didier Pourquery – Le Monde du 22 novembre 2012
Un Forton sinon rien
Roman inédit caché dans les archives de l’écrivain, La vraie vie est ailleurs de Jean Forton fait enfin surface, et avec lui un désir de révolte caractéristique des grands romans de l’adolescence. Vous avez dit chef-d’œuvre ?
Forton fait des aventures de ces garnements une étude de caractères, un roman de la vie provinciale et une méditation sur la sagesse et la révolte, l’obéissance et l’ennui, la soumission et l’affirmation de soi. (…) cet inédit saisit de bout en bout par sa puissance évocatoire, son ironie douce-amère, ses personnages pleins de chair et d’âme. Un petit chef-d’oeuvre, vraiment. On l’a déjà dit ? Oui, mais il a attendu si longtemps qu’il mérite qu’on le répète.
Bernard Quiriny, TroisCouleurs, novembre 2012
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