Résumé :
Roland Cailleux (1908-1980) est un des secrets les mieux gardés de la littérature française contemporaine ; Saint-Genès ou la vie brève paru chez Gallimard en 1943 et republié aujourd’hui par Le Dilettante augmenté d’un chapitre inédit et d’une préface de Michel Déon, en est sûrement l’accès privilégié. Entré en littérature à seize ans à la lecture de Proust, familier de Breton et Crevel, celui qui fut le médecin de Gide, l’intime de Martin du Gard, Blondin, Vialatte et Marcel Aymé, l’un des exécuteurs testamentaires de Roger Nimier et le visiteur, à Meudon, de son "collègue" Céline, n’a que peu publié: sept livres en quarante-deux années dont, après un silence de près d’un quart de siècle, son livre testament : À moi-même inconnu (Albin Michel, 1978). Autour de cette plume, rare à tout point de vue, de cet homme secret tenu "à l’écart de la gendelettrerie" (F. Nourissier), s’était constituée une garde rapprochée d’amis qui, en 1985, dans un Avec Roland Cailleux paru au Mercure de France, lui témoignèrent une affection sans ambages: Narcejac, Jacques Laurent, Gracq, etc. De Saint-Genès ou la vie brève, ce dernier a pu écrire que "de chapitre en chapitre, tout le kaléidoscope des formes de l’expression littéraire… se déployait avec virtuosité sans que le contact – un bizarre contact senti avec ce que j’ai envie d’appeler la modestie du vrai – fût aboli". Parfait cadrage d’une œuvre plus que singulière dont, quand on aura dit qu’elle "narre" la destinée d’un jeune poète, ses amitiés, ses amours tragiques, ses voyages, on aura peu délivré le contenu. Car la véritable héroïne du livre n’est pas Marie-Anne, l’égérie tôt disparue du héros, mais la forme. Une forme en mutation constante, en révolution permanente qui semble faire de l’ensemble une succession de premiers chapitres. Chaque moment y a l’élan vibrant d’un coup d’envoi. Livre qui réussit le prodige de peindre une histoire intime sans rien concéder à l’empâtement de la durée, passant sans prévenir d’un journal intime à un dialogue, d’une lettre à un fragment romanesque. "Je saute d’un problème à l’autre et je les pousse tous ensemble vers un but que je ne connais pas ; je les fais avancer en désordre comme des boules de croquet. Il n’y a rien que je connaisse vraiment, que je place où il convient." Chaos savamment peaufiné d’une plume adepte du secret en pleine lumière : "Qui peut se vanter de connaître mon écriture ? Je n’en ai pas, j’en ai mille. Elle se couche et se crispe avec moi. Et sanglote et délire." Saint-Genès, comédien et martyr de l’acte littéraire. Dont acte.
On en parle :
Michel Déon : J’ai préfacé pour Le Dilettante un livre que j’avais lu pendant l’occupation, "Saint Genès ou la vie brève" de Roland Cailleux. Un grand livre.
BSC News, 18 janvier 2012
Loin d’écrire un récit continu, Cailleux s’amuse a composer la vie de son personnage à travers toute la palette des genres littéraires: Journal, poème, dialogues, critique, confession, correspondance, roman,
pensées à soi-même. Naissent des figures changeantes et fugaces semblables à celles d’un
kaléidoscope. Fascinant et virtuose. De quoi donner l’envie de lire les six autres romans de Cailleux.
Frédéric Valloire, Valeurs actuelles, 18-24 août 2011
Saint-Genès ou la vie brève est un livre qui se mérite. Initialement paru en 1943, sous l’Occupation, ce texte méconnu déconcerte.(…) Et souvent, presque sans que l’on s’y attende, surgissent des pages prodigieuses, sur l’amour, la mort ou la solitude, peut-être parmi les plus belles du XXe siècle, à l’image de l’ultime chapitre, d’une beauté confondante.
Mikaël Demets, publié le 20 juin 2011 in L’Accoudoir
" Il s’appelait Roland Cailleux. Il n’y a pas plus littéraire. La littérature est une médecine, si ce n’est la meilleure des médecines. Il était chiche de son talent. Il a écrit son propre éreintement" .
Jean-Louis Ezine sur France Culture à propos de Saint-Genès ou la vie brève de Roland Cailleux.
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Roland Cailleux, vers une renaissance ?
Saint-Genès ou la vie brève, un roman ? Il reste indéfinissable parce que très novateur en forme. Cailleux jouait des genres d’une façon qui étonnait Vialatte (…) Passant du collège à l’âge adulte, il affronte les mystères de l’adolescence, les surprises de l’amour, la paternité, la perte des êtres chers…
Daniel Martin, La Montagne, vendredi 10 juin 2011
Roland Cailleux: une nécessaire redécouverte
Cailleux, instinctivement a compris que le roman était un genre sans règles, et pouvait prendre tour à tour, et même sulmutanément, des formes très différentes (…) Roland Cailleux n’est pas un petit maître c’est un immense écrivain méconnu.
Christophe Mercier, L’Humanité, 5 mai 2011
(…) une petite merveille de style tout à fait hors du commun. A cette réédition a été ajouté un chapitre inédit dans lequel l’auteur se fait le critique de son œuvre, c’est sans doute par ce dernier chapitre qu’il faut commencer de lire le livre pour en savourer L’originalité (…) Dans ce premier roman Roland Cailleux fait ses gammes, il balaie tous les possibles dans l’art du récit. Ainsi, à chaque chapitre, il se propose – sur les conseils de Gide dit-il – de repartir de zéro. Et le texte tient !
Pierre-Vincent Guitard, Exigence, 2 mai 2011
On suit le héros éponyme de chapitre en chapitre, sans qu’il y ait de véritable cohérence, ni même d’histoire en dehors de ce fil ténu qui le suit durant ces brèves années d’adolescence et de jeunesse, aux riches promesses inégalement tenues. Un conte de fées se glisse entre deux chapitres. Dialogue, correspondance, autobiographie, poèmes, conte… Roland Cailleux joue à expérimenter diverses formes littéraires.
Marie-Paule Caire, Parutions.com, 27 avril 2011
Dans chacun des treize chapitres que contient ce volume, le dispositif énonciatif change (…) Et comme si cela ne suffisait pas à dérouter le lecteur, chaque chapitre répond à une stratégie littéraire différente. Au delà de cette diversité formelle et énonciative, Roland Cailleux présente quelques moments de la vie d’un jeune poète pendant une dizaine d’années (…) De toute évidence Roland Cailleux cherche à tordre le cou au roman (…) Si c’est brillant partout, d’une virtuosité maîtrisée, c’est presque malgré lui (…) Quelques pages jubilatoires avec de belles surprises verbales.
Didier Garcia, Le Matricule des Anges, avril 2011
Saint-Genès, comédien et martyr
Saint-Genès ou la vie brève, qui semble écrit au fil de la plume, est un récit d’apprentissage déguisé, où le narrateur mêle souvenirs personnels et épisodes inventés (…) Cela ne fait pas un roman au sens classique du terme, mais un objet littéraire non identifié qui a enthousiasmé à l’époque un certain nombres de lecteurs de haut vol (…) Outre son talent et son sens de l’humour assez british, Roland Cailleux possédait, apparemment, une autre qualité: la modestie (…) Son œuvre mérite vraiment d’être (re)découverte par un public plus vaste.
Jean-Claude Perrier, Livres Hebdo, 8 avril 2011