Résumé :
Quand on est de Bordeaux, comme Ylipe, qui y naît en 1936, on a le choix entre deux "Mo" , entre deux mondes : Mauriac ou Molinier. C’est sous l’étoile du second, grand perturbateur s’il en fut, qu’il va se ranger. Ces textes sans paroles le confirment assez.
Ce que ce recueil prouve, c’est qu’Ylipe est un as de la sarbacane, un maître du goutte-à-goutte assassin un seigneur de la tuile tombée du toit. Ce bref carquois d’aphorismes qu’il décoche avec un mélange médité de lenteur et de sécheresse touche à tout coup. A les lire vous les sentez se ficher dans votre conscience un peu ramollie comme une épine au curare ( "la réalité a les manches trop courtes" , "les mères sont des catastrophes naturelles" , ils s’insinuent dans votre col comme une perle d’eau glaciale et s’obstinent à sinuer le long de votre dos ( "un gynécologue est un dentiste qui a peur d’être mordu" ) ou vous entaillent le crâne ( "on parle moins des crimes commis pour l’humanité "). Ylipe est de la race des Lichtenberg et des Cravan. Loin de l’assaut frontal donné au réel et à ses désolantes caravanes de platitudes, il préfère loger les coins et les crics de ses aphorismes dans les fêlures et les manques du monde pour, ensuite, d’un coup, faire craquer l’ensemble.
Il existe des écrivains incicatrisables. Ylipe en est.
On en parle :
Je suis jaloux de l’esprit d’Ylipe et, pour me venger, je viens d’écrire deux feuillets, dont la seule utilité aurait pu être de le faire lire. Même si je sais, au fond de moi, que ce truc de 85 pages qui n’est rien et qui vient de nulle part va se vendre partout par piles. Et que je ne serai qu’un de ceux qui auront fait un peu de boucan autour. Bouh !
Ariel Wizman, Elle n°2888, 7 mai 2001.